Journal de Joyce R. Whitaker

Cher journal,

Si je commence à écrire aujourd'hui, c'est pour combler un vide. Celui de la solitude. Je m'appelle Joyce Roxane Whitaker. Ce nom te dit quelque chose ? C'est normal. Mon père est Charles Whitaker, un homme d'affaire influent qui a fait fortune ici, aux États-Unis. J'adorais mon père. C'était un homme extraordinaire, l'un de ceux qu'on est sur de ne pas pouvoir oublier. Je me suis d'ailleurs toujours demandé pourquoi il s'était marié avec ma mère. Certes, il l'aimait. Mais comment un homme si gentil, attentionné et généreux que lui a-t-il pu tomber amoureux d'une femme froide et matérialiste dans son genre ? Et pourtant, il a toujours été un mari aimant et un père fantastique. En tant que fille unique, j'étais sa petite princesse. Il me couvrait de cadeaux et d'affection du matin au soir. Même s'il travaillait beaucoup, il n'a jamais raté aucun anniversaire, aucun Noël, aucune fête ... Charles Whitaker était un homme parfait.

Nous sommes anglais. Mon père est parti de rien et pourtant, il a réussi à créer sa propre société et a se faire un nom, une fortune. Tout le monde voulait être son ami. Oh bien sur, rien de tout cela n'était sincère. Mais moi, je voyais seulement tout un tas de gens gentils venant m'embrasser. Je ne comprenais pas encore. Mon enfance s'est déroulée parfaitement bien. Il est vrai qu'Elisabeth, ma mère, et moi ne nous entendions pas forcement. Elle était dure avec moi. Elle voulait une éducation stricte et traditionnelle pour sa fille. Non, nous ne sommes pas proches. Mais la présence de mon père et l'amour qu'il me portait suffisait à me rendre heureuse. Et puis, comme je l'ai déjà dit, j'étais très entourée.

La fortune et la popularité des Whitaker ne cessaient de grandir, mais papa avait d'autres idées en tête. Il a toujours aimé relever des défis. C'est pourquoi nous avons déménagé à Manhattan lorsque j'avais quatorze ans afin de conquérir le marché américain. L'histoire s'est donc répétée. Tout se passait bien. J'aurai préféré rester en Angleterre, mais si c'était pour mon père, cela ne me dérangeait pas. Je ne détestait pas encore ce pays comme maintenant. D'ailleurs, si je n'aime pas cette ville, c'est parce que c'est elle qui m'a enlevé mon père. Il est mort l'année dernière dans un accident de voiture. Depuis, ma vie est un enfer !

Elisabeth s'est mis en tête de reprendre mon éducation à sa façon. Sauf que sa fameuse façon, c'est me tenir prisonnière de ses bonnes manières, de ses convenances, du devoir d'une jeune fille de bonne famille. Heureusement qu'elle a du se mettre à travailler ! Cela me laisse un peu d'air. Parce qu'après la mort de papa, la seule chose qu'il nous ait resté, c'est des dettes. Alors elle veut absolument me trouver "un bon parti" comme elle dit. Je croyais que les mariages forcés n'existaient plus ? Le pire, c'est que je sais qu'elle fait ça pour notre bien à toutes les deux. Je l'aime quand même. C'est ma mère. Mais je ne la supporte plus, voilà tout ! Toutes les personnes qui nous aimaient tant se sont évanouis dans la nature en même temps que notre fortune. Nous sommes seules. Et moi tout ce que je voudrais, c'est qu'il soit encore là. Si ce n'est pas possible, j'aimerai au moins pouvoir gouter un peu à la liberté et être moi-même...